À l’occasion de la sortie de son premier roman Décide ou décède aux éditions Azoé, CaféLitté s’est entretenu avec Karine Van Cayzeele. Entre autofiction percutante et poésie délicate, l’auteure nous plonge dans une quête de résilience face aux épreuves de la vie : abus, burn-out, recherche d’identité… Un récit empreint de détermination, où l’humour et la pudeur tracent un chemin vers la liberté. Découvrez une écrivaine autodidacte et idéaliste, qui a su transformer ses blessures en un hymne vibrant à la verticalité.
Après des études de communication, après un tour chez l’annonceur et en agence, Karine Van Cayzeel fonde sa propre entreprise. 15 ans de bons et loyaux services pour finir en burn-out… un peu comme son héroïne. Elle plaque tout pour un voyage en sac à dos, direction l’Inde. Elle revient et devient thérapeute, photographe, conférencière… Établie depuis peu dans le Sud de la France, elle se consacre à ses passions. D’abord la photographie, elle crée le concept de Psygraphie (thérapie par la photo) qu’elle expose dans un premier ouvrage destiné aux professionnels (Réflecteur d’âmes). Et l’écriture, qui l’a portée pour signer ici son premier livre.
Votre livre Décide ou décède évoque des expériences profondément personnelles. Quel a été le moment décisif qui vous a poussée à transformer votre douleur en récit ?
Karine Van Cayzeele : Toute une vie, en réalité. Les traumatismes ont commencé tôt, comme vous avez pu le constater, et il m’a fallu toute une vie pour guérir. L’écriture, elle, a pris quatre ans, exactement. Certains passages, notamment les plus lourds, je les ai écrits juste après la mort de ma mère, en 2008. Tant qu’elle était là, je ne pouvais pas poser ces mots, par peur de lui faire encore du mal.
Quand maman est partie, j’ai pu commencer. Les trois dernières années ont été consacrées à structurer ce récit. Au-delà du témoignage, c’est un message. Avec MeToo, on a beaucoup parlé de ces sujets, et tant mieux : les vérités doivent éclater, les ordures être démasquées. Mais ce qui m’a motivée, c’est une nuance. Je vois parfois des femmes s’enfermer dans une posture victimaire permanente, et cela me dérange.
Mon livre, c’est un petit grain de sel dans ce monde de l’horreur, pour montrer qu’il est possible de surpasser un traumatisme. L’humain a une incroyable capacité de résilience. On peut trouver au fond de soi les ressources pour se relever, pour transcender même ce qui semble insurmontable. L’essentiel, c’est d’aller chercher cette force intérieure.
Votre récit est composé de chapitres courts, presque comme des posts sur Instagram. Pourquoi ce choix ? Et quelle est votre vision du rôle des nouvelles formes de narration dans l’engagement des lecteurs aujourd’hui ?
Karine Van Cayzeele : La forme est volontairement découpée, comme vous le dites, et cela s’explique en partie par ma dyslexie. Ce n’est pas une maladie, mais une caractéristique, comme être gaucher ou gauchère : on apprend à vivre avec, à s’adapter. Structurer le récit en chapitres courts, un peu comme des posts qu’on scrolle sur Instagram, répond aussi à une envie d’adresser les lecteurs d’aujourd’hui, notamment les plus jeunes.
Les longues narrations étirées risquent de perdre une partie du public, et mon objectif était clair : toucher le plus de monde possible. Pour moi, l’essentiel reste le fond, mais une forme accessible permet de mieux faire passer le message.
J’ai aussi voulu jouer avec l’idée du teasing : donner une information brève, percutante, qui incite à aller plus loin. C’est une manière de capter l’attention et d’embarquer les lecteurs dans une lecture qu’ils n’auraient peut-être pas entamée autrement. Finalement, c’est un choix qui mêle intention personnelle et stratégie narrative.
Karine Van Cayzeele devant la librairie Goulard, Cours Mirabeau, Aix-en-Provence / © Archives personnelles
Dans un contexte où les notions de burn-out et de résilience sont au cœur des discussions contemporaines, pensez-vous que Décide ou décède trouve un écho particulier avec les défis modernes ? En quoi votre livre se distingue-t-il des autres ouvrages abordant ces thématiques ? Quelle nuance ou perspective unique souhaitez-vous apporter à ces sujets si actuels, presque omniprésents aujourd’hui ?
Karine Van Cayzeele : Pour moi, la réponse est simple : je suis une femme ordinaire, une personne inconnue, qui ne vit pas sous les projecteurs. Et en parlant de quelqu’un de « lambda », on en fait un héros. Je pense que nous sommes des millions à être des héroïnes et des héros invisibles, souvent dans l’ombre. Ce qui est important, c’est de montrer qu’il est possible, même sans aide extérieure, de surmonter les difficultés. Je crois que beaucoup de gens pourraient se reconnaître dans ce parcours, dans ce combat silencieux. Nous, les héroïnes du quotidien, nous faisons face à nos luttes, parfois sans que personne ne nous voie, mais nous avançons malgré tout.
Votre écriture mêle habilement la cruauté de vos expériences passées à une touche d’humour. Comment ce contraste, selon vous, enrichit-il la profondeur de votre récit ? Était-ce un choix délibéré de votre part ?
Karine Van Cayzeele : Vous avez parfaitement saisi, en effet… Je n’avais pas envie de parler uniquement de drame sans offrir un peu de légèreté. Dès le divorce de mes parents, quand ma mère est tombée en dépression, je me suis rapidement rendue compte qu’il fallait faire quelque chose. Il était impossible de rester figée dans la douleur. Alors, j’ai développé une forme d’humour, une bonhomie, une gaieté, parce qu’il fallait bien avancer au quotidien. Vivre, malgré tout. Et c’est là que je pense aux héroïnes et héros du quotidien : il nous faut absolument une lumière dans la journée, même une toute petite, sinon on s’effondre. Quand j’écrivais le livre, j’ai aussi voulu que certains passages, qui sont lourds à porter, puissent être abordés avec humour, afin de rendre la lecture plus accessible. Cela permet aussi de transmettre des messages importants de manière plus douce, plus fluide. C’est en quelque sorte l’équilibre entre le ying et le yang, entre le noir et le blanc. Pour rester centrée, il faut savoir unir le beau et le difficile. L’humour est une manière d’y parvenir.
Peut-on dire que l’écriture de ce livre a agi comme une forme de thérapie pour vous ? Y a-t-il des passages en particulier qui ont été particulièrement libérateurs à écrire, des moments où vous avez eu l’impression de vous délivrer d’un poids ?
Karine Van Cayzeele : Je pense que l’écriture est toujours thérapeutique. En fait, tout ce que nous faisons peut l’être. Prenez votre travail, par exemple. En tant que journaliste, vous cherchez constamment des informations, vous interrogez des gens, et chaque question posée, chaque réponse obtenue, nourrit non seulement votre travail, mais aussi votre propre réflexion. C’est un processus qui, à sa manière, peut aussi être thérapeutique. Pour moi, l’écriture de ce livre a été un acte libérateur. Une fois le livre terminé, la thérapie continue, mais d’une autre façon. Le fait d’avoir mis toutes ces émotions et ces expériences par écrit a été extrêmement libérateur. C’est un pavé dans la mare, mais comme vous l’avez souligné, j’y ai aussi ajouté de l’humour et de l’espoir. Ce n’est pas un simple témoignage de douleur, c’est aussi une tentative de tendre la main. Si ce livre peut aider une seule personne, alors j’aurai accompli ma mission. Et si une femme peut y trouver la force de se relever, alors c’est un bonheur pour moi.
Aviez-vous un public particulier en tête lorsque vous avez commencé à écrire ce livre ?
Karine Van Cayzeele : Effectivement, au départ, je n’y pensais pas vraiment. Je me suis dit que ce serait plutôt un livre destiné aux femmes. Et pourtant, je suis vraiment surprise : jusqu’à présent, j’ai constaté qu’il y a autant d’hommes que de femmes qui ont lu le livre. Les retours sont nombreux et variés.
Karine Van Cayzeele, Cours Mirabeau, Aix-en-Provence / © Archives personnelles
J ai beaucoup aimé ce livre émouvant fort et en même temps léger pudique drôle. Merci a cette héroïne du quotidien comme elle se définit On a besoin de femme comme elle Muti facettes Merci a vous pour cette écriture vivante.
Merci beaucoup pour votre commentaire, Jullien ! 😊