Le 18 novembre marque le 102e anniversaire de la disparition de Marcel Proust. En hommage au géant de la littérature française, CaféLitté est allé à la rencontre de Jean-Marc Quaranta, spécialiste de l’étude génétique des brouillons de Proust et maître de conférences en littérature française et création littéraire. À travers cette interview, nous explorons l’univers proustien et ses résonances contemporaines, cherchant à comprendre comment, plus d’un siècle après sa mort, ses écrits continuent de nous interroger, de nous séduire et de nous bousculer. Une réflexion sur l’intemporalité de son œuvre, éclairée par les révélations d’un chercheur passionné.
Pourriez-vous nous parler de votre première découverte de Proust et des impressions qu’elle vous a laissées ? Y a-t-il eu un moment décisif où vous avez su qu’il deviendrait une figure centrale de vos recherches et de votre parcours ?
Jean-Marc Quaranta : J’étais en première année de licence de lettres quand, lors d’un cours sur Michel Butor, notre professeure a réalisé que personne ne connaissait vraiment Proust. Elle a souligné que certains passages ne pouvaient se comprendre sans une connaissance de son œuvre, et elle a écrit au tableau les titres des sept volumes de À la recherche du temps perdu, en précisant qu’il fallait commencer par le premier. Elle a comparé l’œuvre à une cathédrale, expliquant qu’on ne pouvait pas y entrer par n’importe quel côté. Ses mots ont profondément résonné en moi.
Quelques jours plus tard, en faisant des courses dans un supermarché, je suis tombé sur Du côté de chez Swann, tout juste réédité (à l’époque, on pouvait encore trouver de bons livres dans les supermarchés). J’ai pris le volume, et, laissant de côté la préface d’Antoine Compagnon, je me suis plongé directement dans le texte. Dès la première phrase, j’ai ressenti une impression forte, comme si je pénétrais un texte dense, semblable à une forêt où l’on marche sur un tapis de feuilles et d’éléments décomposés. J’ai immédiatement su que ce serait une rencontre marquante.
Plus tard, lors d’un cours de littérature comparée, nous avons étudié Joyce et son personnage Dedalus. J’ai tout de suite été frappé par ce qu’il nomme des épiphanies : ces instants où quelque chose nous saisit, avec un sens qui dépasse largement l’objet observé. C’est fascinant en tant que motif littéraire, car il renvoie à des expériences universelles où un événement prend une dimension qui nous transcende. En lisant l’épisode de la madeleine, celui des clochers de Martinville et bien d’autres passages, j’ai réalisé combien cela faisait écho à ce que Joyce décrivait. Ces deux auteurs, bien que provenant de zones linguistiques proches mais distinctes, évoluaient au début du XXe siècle et partageaient une sensibilité commune. C’est ainsi qu’est née l’idée de mon sujet de maîtrise, puis de ma thèse.
Quand j’ai exprimé mon souhait de me consacrer à l’étude de Proust, mon enseignante a dit que « tout avait déjà été dit sur l’œuvre de Proust » et qu ‘ « il n’y avait plus grand-chose à explorer. » Une remarque qui, pour un jeune chercheur, peut être un véritable coup de massue. Pourtant, elle m’a aussi offert un conseil précieux : « Il n’y a rien à dire, sauf si vous allez voir les brouillons. » Cette phrase a été le deuxième élément important dans la construction de mon identité de chercheur.
J’ai alors décidé de pousser la porte de l’Institut des textes et manuscrits modernes. Bernard Brun, qui le dirigeait à l’époque, m’a accueilli avec une immense générosité. À partir de là, un nouvel horizon s’est ouvert : celui des brouillons de Proust et de la génétique textuelle – l’étude, l’identification, le classement et la transcription de ces manuscrits.
Cela a donné une autre dimension à mon projet de recherche. Au lieu de me concentrer uniquement sur les événements ou épisodes spécifiques qui composent l’œuvre de Proust, j’ai décidé de m’intéresser à la façon dont il les avait construits. J’ai commencé à explorer sa formation intellectuelle, la manière dont il est devenu écrivain, un cheminement que j’ignorais totalement à l’époque. On a tendance à imaginer que Proust, comme d’autres grands auteurs, est né écrivain, presque « tout armé », mais mon travail m’a montré que ce n’était pas le cas.
En travaillant sur ses manuscrits, j’ai découvert ses premières tentatives : des textes sensibles, cultivés, mais souvent maladroits sur le plan romanesque. Jean Santeuil, par exemple, était un échec à ses yeux, au point qu’il n’a jamais cherché à le publier. Mais au fil du temps, en reprenant certains morceaux et en affinant son style, Proust a atteint cette maîtrise unique du roman qui allait marquer son œuvre.
On a tendance à imaginer que Proust, comme d’autres grands auteurs, est né écrivain, presque « tout armé », mais mon travail m’a montré que ce n’était pas le cas.
Jean-Marc Quaranta
Vous êtes l’auteur de la première biographie d’Alfred Agostinelli, le chauffeur de Proust. Qu’est-ce qui vous a motivé à consacrer une œuvre entière à ce personnage ? Quelles ont été les étapes clés de vos recherches et comment avez-vous réussi à mettre au jour de nouveaux éléments à son sujet ?
Jean-Marc Quaranta : Le point de départ de ce projet remonte à la publication de mon livre, tiré de ma thèse, où je pensais avoir fait le tour de l’œuvre de Proust. Cependant, au cours de mes recherches, en lisant les 21 volumes de la correspondance, j’avais repéré un détail intrigant : la tombe d’un ami de Proust, très important, située à Nice, une ville où je suis né et où je vis toujours. Cela m’a donné l’idée de me rendre sur place pour examiner cette tombe et peut-être écrire un article pour une revue d’histoire locale, afin de parler de ce personnage important qui a inspiré directement Albertine disparue et La Prisonnière, tout en contribuant à étoffer Sodome et Gomorrhe et À l’ombre des jeunes filles en fleurs.
Au départ, les questions de sexualité et d’amour n’étaient pas au cœur de mes recherches. Mon intérêt se portait davantage sur l’esthétique et la philosophie. Pourtant, la découverte de la tombe, dans un état de dégradation avancé, sur le point d’être détruite en raison du manque d’entretien, a changé ma perspective. J’ai eu accès à des documents révélant des détails sur la tombe et sur celui qui y reposait. Cette révélation a piqué ma curiosité, et j’ai alors commencé à m’intéresser de près à ce personnage, ainsi qu’au rôle qu’il avait joué dans la genèse de La Recherche.
Ce qui devait être un article de recherche pour une revue locale s’est transformé en un projet bien plus ambitieux. En croisant les informations provenant de la correspondance, des brouillons et des archives publiques et privées, j’ai pu reconstruire la relation entre Proust et Agostinelli. J’ai alors compris à quel point cette relation avait bouleversé l’œuvre de Proust, notamment pendant la période charnière de 1913-1914. Parallèlement, mon arrivée à Aix-en-Provence, où j’ai obtenu un poste de maître de conférences en création littéraire, m’a permis de redéfinir ma démarche de recherche, en mêlant plus étroitement la recherche académique et la création.
À partir de ce moment, en parallèle du travail de recherche génétique – de la datation des brouillons à la découverte de certains aspects inédits de la biographie de Proust – est née l’envie de transformer ce travail en récit. Ce désir d’ajouter à cette histoire des éléments de ma propre vie, ou du moins de l’expérience vécue de celui qui mène cette enquête, a introduit une dimension autofictive. Cela me permettait de répondre à un dilemme éthique : en m’immergeant dans les émotions de Proust, mais aussi d’Alfred Agostinelli, il m’a paru nécessaire de ne pas me cacher derrière une prétendue objectivité. Il fallait être honnête, assumer pleinement ma subjectivité, et accepter de m’exposer, sans chercher à dissimuler ma propre implication dans cette recherche.
Jean-Marc Quaranta © Archives personnelles
Y a-t-il un moment particulier qui vous a marqué tout au long de cette enquête ?
Jean-Marc Quaranta : Le premier moment marquant a été la découverte de la tombe et l’état dans lequel elle se trouvait. Cela m’a véritablement fait sortir de la dimension purement textuelle de mon travail. Il y a eu une sorte d’incarnation de l’histoire. Je me suis alors senti plus proche de Proust lui-même, plus qu’à travers ses écrits, peut-être même plus qu’en visitant sa propre tombe. Là, il ne s’agissait pas seulement de lui, mais d’un aspect entier de sa vie.
L’autre moment crucial est survenu lorsque j’ai découvert qu’Agostinelli, contrairement à ce qu’on pensait, était bien revenu chez Proust après son départ en décembre. Cette révélation a permis de montrer l’écart entre la biographie et sa transposition dans la fiction. Albertine, dans le roman, part et ne revient jamais. Mais dans la réalité, Agostinelli, qui semblait avoir disparu, revient en janvier 1914 et repart en avril pour mourir le 30 mai. Ce détail a permis de clarifier certaines incohérences dans la correspondance de Proust, qui paraissaient étranges mais s’expliquaient une fois qu’on avait pris en compte ce retour. Cela a aussi permis de dater plus précisément de nombreux brouillons, en particulier le moment où le personnage d’Albertine apparaît. Avant cette découverte, il y avait une large fourchette, allant du printemps 1913 au printemps 1914. Grâce à un travail minutieux sur les brouillons, j’ai pu isoler la seconde moitié de février comme la période probable de son apparition dans le texte. Cela a été une prise de conscience décisive, car cela m’a permis de contribuer réellement à l’avancement de la connaissance sur Proust, sur ses brouillons et sa biographie.
Enfin, chaque découverte au cours de cette enquête a été un moment d’émotion intense. Mais au-delà de ces révélations, il y a eu des moments d’écriture où je suis sorti de ma zone de confort de chercheur. L’un de ces moments a été le passage sur la noyade d’Agostinelli. Il meurt dans un accident d’avion, et ce qui m’a frappé, c’est qu’il n’y avait aucune raison pour qu’il se noie, alors qu’il aurait très bien pu flotter. J’ai donc cherché à comprendre pourquoi l’avion avait coulé, puis je me suis intéressé à la question de la noyade elle-même : comment cela se passe-t-il, quelles sont les étapes physiques ? Cela a été à la fois exaltant et, d’une certaine manière, facile. Facile parce que je n’avais qu’à suivre la description clinique d’une noyade à partir d’un texte très médical et détaillé. Le véritable défi était d’incarner cette situation dans le personnage que le lecteur suivait déjà depuis plusieurs pages et à la mort duquel il allait assister. D’ailleurs, lorsque Jean-Yves Tadié a lu cette partie, il m’a dit que c’était un morceau d’anthologie. Ce compliment m’a beaucoup touché.
Un autre moment marquant de mon travail d’écriture a été lorsque j’ai décidé de consacrer un chapitre à Joséphine, la demi-sœur d’Alfred Agostinelli, de 18 ans son aînée, qui jouait pour lui le rôle d’une mère de substitution. Elle vivait maritalement avec un baron, ce dont Proust parle dans ses lettres. Immédiatement, ce personnage m’a rappelé la tante de mon grand-père, en Italie, qui elle aussi avait vécu avec un baron, alors que toute la famille était paysanne. Cette tante avait une relation maritale exclusive, qui n’était pas adultère une situation très similaire à celle de Joséphine. Je l’ai connue à la fin de sa vie, lorsque j’étais tout petit, mais elle m’a laissé une impression profonde par sa singularité. Un jour, je me suis dit qu’il fallait que j’écrive cela, que je sois honnête avec le lecteur et que j’explique que je n’étais pas totalement objectif. J’ai alors écrit ce portrait, et cela m’a permis d’inscrire la subjectivité dans ma recherche, ce que je n’aurais jamais fait dans un cadre purement scientifique.
Ce moment m’a confirmé que la création littéraire peut apporter une véritable valeur à la recherche. L’articulation entre les deux – la fiction et la vérité historique – est non seulement justifiée, mais elle est également essentielle et enrichissante, voire indispensable, à la recherche.
La création littéraire peut apporter une véritable valeur à la recherche. L’articulation entre les deux – la fiction et la vérité historique – est non seulement justifiée, mais elle est également essentielle et enrichissante, voire indispensable, à la recherche.
Jean-Marc Quaranta
Vous avez évoqué l’importance de la création littéraire dans votre travail. En analysant la manière dont Proust a abordé son écriture, quels procédés ou théories de sa part pourraient nourrir et inspirer les écrivains d’aujourd’hui dans leur propre démarche créative ?
Jean-Marc Quaranta : On ne naît pas écrivain, on le devient. Proust, malgré ses conditions particulièrement favorables, n’était pas destiné à être un grand écrivain dès le départ. En effet, il bénéficie d’un environnement privilégié : une aisance matérielle, un milieu très cultivé grâce à son père, scientifique, et sa mère, littéraire, musicale et picturale. Il a tout pour devenir un grand écrivain. Pourtant, il ne le devient pas immédiatement. Ce qui va faire la différence entre lui et d’autres personnes de son milieu qui, elles, écriront des livres sans jamais devenir de grands écrivains, c’est son acharnement.
On ne naît pas écrivain, on le devient. Proust, malgré ses conditions particulièrement favorables, n’était pas destiné à être un grand écrivain dès le départ.
Jean-Marc Quaranta
Cela me semble être une leçon fondamentale pour toute personne qui se lance dans la création littéraire : peu importe les talents ou les privilèges dont on dispose, il y a un travail à fournir, une évolution personnelle à accomplir. Cette évolution est ce qui permet à un écrivain de devenir l’écrivain qu’il est censé être. On retrouve cette idée chez Duras, qui, en parlant de Neauphle-le-Château, souligne que c’est dans cet endroit précis qu’elle a écrit les livres qui lui ont permis de comprendre quelle écrivaine elle était. La création littéraire, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est donc pas simplement une question de talent inné, mais d’évolution et de travail continu.
Un autre aspect fondamental, c’est la recherche de sa propre rhétorique. Ce que dit Francis Ponge à ce sujet est essentiel : l’objectif n’est pas de formater les écrivains, mais de les aider à fonder leur propre écriture, adaptée à chaque œuvre qu’ils entreprennent. Ce qui convient à un projet ne sera pas forcément applicable à un autre. Ce problème, cependant, Proust ne l’a pas vraiment rencontré, puisque lui n’a écrit qu’un seul livre, ou plutôt une œuvre unique, en plusieurs volumes.
Enfin, il y a l’importance capitale de la réécriture. La plupart des épisodes d’À la recherche du temps perdu ont été écrits et réécrits cinq ou six fois. De plus, Proust a opéré un travail de structuration dramaturgique, inspiré par les principes d’Aristote : il a su construire une intrigue avec une situation initiale, un élément déclencheur, un enjeu, des péripéties et une résolution, mais cela se fait petit à petit.
Prenons l’exemple du personnage de Charlus, qui apparaît d’abord comme un homosexuel évident au héros, dans les brouillon. Au fur et à mesure, Proust ajoute des épisodes où ce personnage devient étrange, surprenant, incompréhensible. L’intrigue se construit progressivement autour de ce personnage, et au début du quatrième tome, les clés de ces mystères sont données, permettant une lecture rétrospective. Ce travail de mise en intrigue, auquel Proust prend pleinement conscience seulement au fil de l’écriture, est un aspect essentiel de sa méthode, qui mérite d’être étudié.
De nombreux jeunes trouvent À la recherche du temps perdu intimidant. Par où leur suggéreriez-vous de commencer pour entrer dans l’univers proustien ?
Jean-Marc Quaranta : Je pense qu’il est préférable de commencer par le début, car cela permet de se situer. Il faut déconstruire l’idée selon laquelle Proust serait un écrivain difficile, inaccessible, réservé à une élite. J’ai de nombreux amis extrêmement cultivés qui n’arrivent pas à entrer dans son œuvre. Cela tient, je crois, à ce qu’on pourrait appeler « une famille d’esprit ». En d’autres termes, certaines affinités personnelles et intellectuelles peuvent faciliter la compréhension de l’œuvre et la sympathie qu’on peut lui porter.
Il faut déconstruire l’idée selon laquelle Proust serait un écrivain difficile, inaccessible, réservé à une élite.
Jean-Marc Quaranta
Comment l’œuvre de Proust peut-elle résonner dans notre société contemporaine ?
Jean-Marc Quaranta : Il y a un domaine dans lequel Proust ne semble pas pouvoir nous éclairer, et c’est celui de la croyance dans les innovations technologiques. Il vénère les voitures, l’odeur des pots d’échappement, et les avions. Sa fascination pour la technologie le rend imperméable aux conséquences catastrophiques qu’elle peut engendrer aujourd’hui. C’est assez curieux de le voir en extase devant l’odeur des gaz d’échappement, mais on peut comprendre qu’à son époque, cette modernité incitait au rêve et à l’espoir. En revanche, sur de nombreux autres sujets, Proust demeure d’une grande pertinence. Par exemple, sur la question de l’identité de genre et de l’homosexualité, le début de Sodome et Gomorrhe nous aide à saisir la condition de l’homosexuel à son époque. Même si l’homosexualité est aujourd’hui beaucoup plus acceptée, on sait qu’il existe encore des résistances et des préjugés.
Je me souviens d’une conversation avec une amie, qui me confiait ses difficultés à accepter l’homosexualité de l’un de ses proches. Je lui ai recommandé de lire le début de Sodome et Gomorrhe, et elle m’a avoué qu’après cela, sa perception avait changé. Et pourtant, c’est dans ce passage que l’on trouve la phrase la plus longue de Proust, un défi pour les lecteurs, mais qui se révèle d’une clarté et d’une beauté émouvantes. Ce texte permet d’approcher le vécu de l’homosexualité dans une époque où elle était encore largement réprimée, et de mieux comprendre l’importance de l’acception de soi et des autres.
Proust nous aide aussi à réfléchir sur la fluidité des identités de genre. Bien que ses théories soient ancrées dans son époque, il offre une réflexion sur le fait que nous portons tous des parts de masculin et de féminin. Chez certaines personnes, l’une de ces parts est plus manifeste que l’autre, ce qui peut éclairer la quête de ceux qui, aujourd’hui, ressentent le besoin impérieux de changer d’identité sexuelle. Ces questionnements, Proust les a approfondis, notamment en s’inspirant des recherches médicales de son père, et il nous invite à les considérer sous un autre jour.
Il aborde également avec une acuité remarquable des thèmes tels que la jalousie, le manque et la rupture. Il les explore avec une telle finesse qu’elles résonnent encore aujourd’hui. Par exemple, il y a des personnes qui ont trouvé une forme de guérison après un chagrin d’amour en lisant Albertine disparue.
Comment percevez-vous l’évolution des recherches sur Proust ? Y a-t-il encore des perspectives intéressantes à explorer, ou avons-nous déjà tout découvert ?
Jean-Marc Quaranta : Les grandes œuvres possèdent un caractère universel qui les rend inépuisables. On continue de découvrir de nouvelles perspectives sur Shakespeare, car il aborde une multitude de thèmes, et chaque époque apporte un regard neuf. Chez Proust, par exemple, son rapport à la technologie est un aspect fascinant à explorer, tout comme la structuration dramaturgique de ses textes, qui ouvre un terrain d’analyse passionnant. Sa relation avec son père, également, mérite plus d’attention : elle est bien développée dans Jean Santeuil mais s’efface presque complètement dans À la recherche du temps perdu, où la figure paternelle devient presque invisible.
Si vous deviez résumer en une idée le génie de Proust, quelle serait-elle ? Quels aspects de son œuvre en font une lecture incontournable ?
Jean-Marc Quaranta : La phrase définitive a été prononcée par Marguerite Duras dans un entretien de 1963, où elle expliquait ce qu’elle avait appris de la lecture de Proust : « Qu’une telle vocation totale ait existé dans le monde moderne.» C’est cette idée qui résume, à mon sens, l’essence de l’œuvre de Proust : un homme qui a donné toute sa vie, jusqu’à la mort, à l’écriture. Si l’on s’intéresse à la littérature, à l’écriture, Proust est un auteur incontournable à découvrir.
Magnifique « explication ». Merci M. Quaranta. Mais surtout presque un manifeste pour les « élèves » écrivains.
« S’élever » encore et encore vers l’enracinement d’un sujet,, d’un monde,
Merci beaucoup pour votre commentaire ! 😊